mardi 9 février 2010

Essai de début de roman... date du 9 novembre 2009

On m’a toujours fait payer pour ce que je n’ai pas fait. Déjà, à peine née, on me faisait payer par l’absence stabilité le fait que je n’ai pas sauvé le couple de mes jeunes parents... J’ai été trainée d’une maison à l’autre, d’une personne à l’autre de jours en jours, jusqu’à ce que j’aie deux ans et qu’ils décident que s’en est assez. On m’a alors envoyée vivre avec mon père, sa nouvelle blonde et ses deux enfants. On m’a envoyé dans un foyer où tout était déjà établi, où j’ai due essayer, tant bien que mal, de m’intégrer, ce que je n’ai toujours pas l’impression d’avoir fait. J’ai toujours eu l’impression d’être le vilain petit canard de cette maison, celle qui n’y avait pas vraiment sa place. Ce n’est pas qu’on ne m’aimait pas, mon père m’a toujours aimé comme un fou, mais je suis arrivée là, avec mon propre bagage de petite fille malheureuse de tant d’instabilité, avec mes nerfs en boule, mes maux de cœurs récurrents et l’impression de les déranger dans leur nouvelle petite famille parfaite.
J’ai toujours été trop gentille à cause ce ça. J’avais l’impression de ne pas vraiment avoir ma place là, de toujours devoir être reconnaissante à ma belle-mère et ses enfants de m’avoir acceptée moi, pleine d’angoisse et de chagrin, dans leurs vies, alors j’étais trop gentille. Jamais je ne refusais quoi que ce soit. J’avais trop peur qu’on me rejette, qu’on me renvoi à l’instabilité de la maison de ma mère. J’ai donc toujours tout accepté sans me poser de questions. J’ai toujours tout aux autres ce qu’ils voulaient et toujours tout fait pour qu’on me trouve gentille, intelligente, digne d’être là. J’ai tellement toujours tout donné dans mon enfance, qu’après, quand j’osais dire non, on me prenait pour une égoïste et on me faisait sentir mal et terriblement méchante d’avoir osé vouloir garder pour moi quelque chose.
J’étais, comme je le suis encore, une enfant très anxieuse, mes nerfs sont fragiles et j’étais toujours malade et ça énervait beaucoup ma nouvelle famille qui ne comprenait pas ce qui se passait. Je ne me sentais pas bien, je n’étais à ma place nulle part alors j’étais malade.

Lorsque j’allais chez ma mère, la fin de semaine, je sentais qu’il y avait une certaine forme de jalousie de la part de ma belle-mère. Les enfants de ma belle-mère ne voyaient pas beaucoup leur père parce qu’il ne s’en occupait pas et je voyais bien que celle-ci était jalouse de la relation que j’avais avec mère et que ses propres enfants ne pouvaient avoir avec leur père. Ce n’était certainement pas ma faute, mais on me faisait sentir que j’étais chanceuse et que c’était presque désapprouvé que je la vois si souvent. Mon père n’a jamais rien dit, en fait il n’a surement jamais remarqué tout cela. Tout passait dans des remarques subtiles de ma belle-mère à mon endroit. C’est certain, ma mère qui ne me voyait que la fin de semaine et qui ne versait pas de pension alimentaire à mon père me gâtait beaucoup lorsque j’allais chez elle, elle m’offrait des cadeaux, me donnait ce que je voulais manger, on sortait. Elle profitait du temps qu’on pouvait passer ensemble, puisque la semaine elle avait son chum et son travail à l’imprimerie. Lorsque je revenais chez mon père, le dimanche, j’étais toujours inquiète de raconter ma fin de semaine ou de montrer mes cadeaux que, la plupart du temps, je m’arrangeais pour laisser là-bas, parce que je savais qu’on trouverait le moyen pour me faire sentir mal d’être si chanceuse de voir ma maman. Je savais que j’aurais droit à des remarques comme quoi j’étais gâté, que je changeais lorsque je revenais de là, que je devenais méchante et désobéissante. Pourtant je n’avais pas l’impression, moi, de changer d’une place à l’autre. J’étais pourtant très calme comme fille. Mon gros défaut était d’avoir tellement peur de décevoir que je n’étais jamais sure de ce qu’il fallait que je fasse, mais je suis encore comme ça aujourd’hui.
J’étais très proche de ma grand-mère maternelle et de son mari (qui n’était pas mon grand-père, mais pour moi c’était comme si, puisque mon grand-père était toujours parti en voyage quelque part sur la planète). J’étais toujours chez eux, ils me gâtaient beaucoup. On jouait ensemble, mon papi adoptif, si je peux m’exprimer ainsi, me construisait un magasin général dans son sous-sol, des scènes pour faire des spectacles. Ils m’achetaient des poupées à la tonne, des films, des livres. Je m’amusais beaucoup chez eux. Puis, un jour, ma mère m’a raconté que, lorsqu’elle était petite, mon papi la regardait se changer ou prendre sa douche en cachette et qu’elle avait essayé d’en parler mais que personne ne la croyait. Ça m’avait un peu déstabilisé mais j’aimais beaucoup cet homme et il ne m’avait rien fait, alors j’étais prise entre l’amour que j’avais pour lui et la parole de ma mère. Très peu de temps après ça, je n’ai plus eu le droit de revoir cet homme, parce qu’il avait tout avoué à ma mamie et qu’ils s’étaient séparés. J’en ai été tellement troublée, on m’a raconté tellement de choses sur cet homme à cet époque que j’en suis venu à en avoir peur. Je l’ai revu une seule fois depuis et c’est quelques semaines après la séparation. Il s’était présenté chez mon père pour me voir et mon père à accepté parce qu’il le respectait beaucoup et qu’il ne pouvait, et ne peut toujours pas, croire ce que tout le monde racontait à son sujet. J’étais tellement mal à l’aise, j’avais tellement peur, à cause de tout ce qu’on m’avait raconté que j’en ai eu mal au cœur toute la soirée suivant son départ. Puis, je ne l’ai jamais revu. Cela doit faire 12 ans et je me souviens encore très exactement de ce que l’on a fait la dernière fois que je l’ai vu en bon termes, chez ma mamie. Je me souviens de l’odeur de tabac qu’il ma fait sentir dans sa petite boite à côté de ses pipes, de la chanson qu’il ma fait jouer sur son tourne-disque «Quand on jouait à la marelle, cerisiers roses et pommiers blancs, J’ai crue mourir d’amour pour elle, en l’embrassant...» Cet homme me manque terriblement, parce qu’il a été très présent dans mon enfance, mais j’ai peur de le voir. J’ai peur de la chicane que cela causerait avec ma mère si elle l’apprenait. J’ai peur d’être déçue en le revoyant, vu l’image qui m’est restée de lui, de cet homme merveilleux avec moi, bon. J’ai peur, aussi, qu’il n’ait pas envie de me revoir, d’avoir à subir un deuxième deuil de cet être. J’ai vraiment vécu un deuil lorsqu’on m’a avisé, comme ça, qu’il n’était pas mort mais que je ne le reverrais plus jamais.

Lorsque j’ai eu 8 ans, mon grand-père paternel est décédé d’un cancer du colon après avoir été malade durant presque 2 ans. Il est mort chez lui, dans sa chambre. Il avait son lit d’hôpital et tout ce qui vient avec, ses enfants se relayaient pour le surveiller la nuit afin que ma grand-mère puisse dormir un peu. Lorsqu’il est décédé j’ai perdu une autre grosse partie de mon être. En plus de perdre mon grand-père que j’aimais profondément, j’ai perdu mon père tel que je le voyais. C’est à ce moment que j’ai su qu’il y avait un terrible problème dans nos gènes: l’alcoolisme. Mon grand-père paternel était un alcoolique qui avait réussi à arrêter de boire grâce aux alcooliques anonymes, alors il surveillait mon père de près quand il était vivant. Lorsqu’il est mort, mon père n’a eu plus personne pour le surveiller, pour l’empêcher de boire. Il buvait déjà beaucoup avant, mais là, il n’avait plus à se cacher, à avoir peur de mon grand-père, alors il a cessé de se cacher.
À 8 ans, j’étais encore jeune pour tout comprendre ce qui se passait, mais je me rendais compte qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Quelque chose me disait que ce ne devait pas être normal de boire autant tous les soirs, puisque ma belle-mère se fâchait contre mon père. Mais, comme il était trop saoul pour se rendre compte de quoi que se soit, on m’a désignée comme bouc émissaire. J’étais la seule qui n’était pas la vraie fille de ma belle-mère, même si elle dit qu’elle ne m’a pas portée mais que c’est tout comme. Cela à commencer vraiment lorsque je suis rentrée au secondaire. En tout cas c’est à ce moment que je m’en suis le plus aperçue. Lorsque mon père buvait, il disait à ma belle-mère et ses enfants que c’étaient des cons, ils les insultaient, parce qu’ils devenaient bête avec lui. Moi, je m’assoyais avec lui, je l’écoutais parler, alors il me disait qu’il m’aimait. Je crois qu’ils m’en voulaient pour l’amour qu’il disait me porter alors qu’il était saoul. J’aurais pourtant tellement aimé qu’il ne m’aime pas quand il était saoul, qu’il m’envoi promener comme les autres, pour ne pas avoir à subir leur mauvaise humeur, leurs remarques sarcastiques. Ça aurait été tellement moins compliqué. J’aurais pu le haïr moi aussi, j’aurais eu moins de problèmes. J’aurais pu détester cet homme tellement saoul qu’il était incapable de se lever de sa chaise pour aller se chercher une autre bière, incapable, même, de réussir à atteindre son verre du premier coup. Mais j’étais totalement incapable de le détester, totalement incapable. Je crois que j’étais la seule à le comprendre, à comprendre sa détresse. Il était tellement malheureux, là, enfermé dans sa cuisine, prisonnier des regards désapprobateurs de tous, sous l’emprise de sa soif toujours plus grandissante, à mesure qu’il buvait et qu’on le critiquait. En fait, je crois qu’il me faisait pitié. Je l’aimais du plus profond de moi même, bien sur, mais il me faisait pitié à voir, là, s’endormant quasiment, ayant de la misère à porter son verre à sa bouche, écoutant les cris de ma belle-mère sans pouvoir répliquer. Il semblait ne même plus comprendre un mot de ce qu’elle disait tellement il était saoul. Il était pris dans le cercle vicieux de l’alcool. Il était pris dans ce cercle où plus tu es mal dans ta peau, plus tu bois et plus tu bois, plus tu es mal dans ta peau.
À cause de ça, j’ai toujours eu une mauvaise relation à l’alcool. J’ai toujours eu peur de boire. En secondaire 5 je disais que j’étais surement alcoolique comme lui, qu’il ne fallait pas que je boive, mais je me suis tout de même mise à boire. Je ne bois par contre pas souvent. J’ai tout simplement de la misère à me contrôler lorsque je le fais. C’est comme si c’était tout ou rien. C’est rare que je boive une seule bière lorsque je sors... Si je bois, il faut absolument que je boive jusqu’à ne plus avoir d’argent, ou jusqu’à ce que je sois saoule. Alors, je ne sors pas beaucoup et je n’emmène pas beaucoup d’argent avec moi. Je n’aime pas sortir justement pour cette raison et mes amies me trouvent plate à cause de cela. Mais je ne crois pas qu’elles puissent comprendre ce que c’est que de ce battre avec cette envie et la peur d’être comme lui. J’ai terriblement peur d’être comme lui et de faire subir à mes enfants ce que j’ai subi. Toutes ces peurs, toutes ces fois où j’ai eu l’impression qu’il fallait que je m’occupe de lui, parce que personne d’autre ne le ferait, toutes les fois où je me suis dit que si je n’étais pas là il serait tellement seul. Le voir malheureux à ce point m’a tué... Et ça me tue toujours. Je n’habite plus chez lui, donc le problème est un peu plus loin de moi, je ne le vois pas saoul mort tous les vendredis soirs, mais je le vois encore boire. Je vois encore le visage de ma belle-mère lorsqu’elle le voit une bière à la main, je vois tous les reproches dans ses yeux, et mon père qui ne comprend pas pourquoi elle est si fâchée. Il ne fait rien de mal, selon lui. En effet, quand on y pense, il ne fait absolument rien de mal, il ne frappe personne, il n’insulte même plus personne depuis plusieurs années. Il ne fait que noyer dans la bière le fait qu’il est malheureux dans la vie, le fait qu’il est inquiet et qu’il ne peut pas réussir à nous offrir tout ce qu’il voudrait nous offrir. Cet homme nous aime tous tellement, je crois que personne ne peut aimer autant que lui sir cette terre, mais il est si mal avec lui-même, si déçu de certains choix qu’il a fait dans la vie et auxquels il ne peut plus rien changer qu’il est malheureux. Il est si incertain de lui-même qu’il est mal dans sa peau. Il a peur de décevoir les gens, il aimerait tellement tous nous offrir mer et monde, pour qu’on l’aime, mais il ne comprend pas qu’on l’aime. Je crois qu’il ne comprend pas que les gens l’aiment pour ce qu’il est, malgré les erreurs de son passé. C’est triste parce qu’il reste pris dans tout ça et rend tout le monde malheureux, surtout lui.

Aucun commentaire: